Gwers : Quand un mot nouveau dévoile un monde caché
Ă 52 ans, je ne prĂ©tends pas ĂȘtre un fin connaisseur de toutes les expressions qui jaillissent quotidiennement dans le bouillonnement linguistique des jeunes gĂ©nĂ©rations en France.
Le temps file, les mots se rĂ©inventent, et moi, je reste parfois en marge de ces Ă©volutions, observant avec une curiositĂ© mĂȘlĂ©e dâĂ©tonnement.
Câest ainsi que, ce matin, au dĂ©tour dâun post sur X, jâai dĂ©couvert le terme « gwers ».
Un mot inconnu jusquâalors, qui mâa immĂ©diatement intriguĂ©, dâautant plus quâil semblait porter en lui une charge bien plus lourde quâune simple nouveautĂ© lexicale : certains lâassocient Ă un mouvement raciste, plus prĂ©cisĂ©ment au « mouvement raciste anti-blanc ».
Pour moi, les derniĂšres insultes du genre que je connaissais Ă©taient « Casse-toi de lĂ le toubab » ou « nardine mouk le coton tige »…
Comme Ă mon habitude, je nâai pas pu me contenter de cette premiĂšre impression.
Mon instinct de curieux, teintĂ© dâune passion pour les mĂ©andres du langage et des idĂ©es, mâa poussĂ© Ă creuser.
Que signifie vraiment « gwers » ?
DâoĂč vient-il ? Et surtout, est-il vĂ©ritablement le porte-Ă©tendard dâune haine raciale ?
Voici ce que jâai dĂ©couvert au fil de mes recherches, un voyage dans les strates de la langue et de la sociĂ©tĂ©.
Un mot aux racines profondes et mouvantes
« Gwers » nâest pas une invention rĂ©cente sortie de lâimagination dĂ©bordante des rĂ©seaux sociaux.
Comme le terme « Wesh » que j’ai analysĂ© ce matin pour cette mĂȘme rubrique « Le Saviez-vous? », le terme provient de la langue arabe.
Selon les sources, il sâagit dâun emprunt Ă lâarabe algĂ©rien, oĂč « gwer » dĂ©signe une personne blanche, un Occidental, ou encore un non-musulman.
Un terme qui, Ă lâorigine, nâest pas nĂ©cessairement une insulte, mais une description.
Pourtant, comme souvent avec les mots, son sens sâest transformĂ© en traversant les frontiĂšres et les cultures.
En France, il a pris une teinte pĂ©jorative, parfois utilisĂ©e pour moquer ou dĂ©nigrer les Blancs, ou mĂȘme les personnes dâorigine maghrĂ©bine accusĂ©es dâadopter des comportements jugĂ©s « trop occidentaux ».
Une ambivalence fascinante, qui reflĂšte autant une critique sociale quâun jeu identitaire.
Un lien avec le racisme anti-blanc ?
Lâassociation de « gwers » Ă un mouvement raciste anti-blanc mĂ©rite quâon sây attarde.
Sur X et ailleurs, certains dĂ©noncent son usage comme une preuve dâune hostilitĂ© croissante envers les Blancs, un symptĂŽme dâun racisme inversĂ© qui viendrait bousculer lâordre Ă©tabli.
Racisme anti-blanc tranquille, ça passe. pic.twitter.com/Ng2pGDcfCm
â Bleu Blanc Rouge ! đ«đ· (@LBleuBlancRouge) March 16, 2025
Les posts que jâai lus Ă©voquent des anecdotes, des injures lancĂ©es dans la rue ou en ligne, oĂč « gwers » devient une arme verbale.
Pourtant, en Ă©largissant le regard, on constate que cette perception est loin dâĂȘtre unanime.
Pour beaucoup, ce mot reste un simple argot, un clin dâĆil ironique ou une provocation sans vĂ©ritable ancrage idĂ©ologique.
Les chercheurs en sociologie, eux, rappellent que le racisme, dans sa dĂ©finition structurelle, implique un systĂšme de domination â un critĂšre que « gwers » ne remplit pas nĂ©cessairement, faute de pouvoir institutionnel derriĂšre son emploi.
Un mot ancrĂ© ou une tempĂȘte dans un verre dâeau ?
Alors, « gwers » est-il vraiment enraciné dans la langue française comme une insulte raciste anti-blanc ?
Ă ce jour, il semble plutĂŽt flotter dans une zone grise.
Il existe, il circule, mais il nâa pas encore la force ni la reconnaissance dâun terme pleinement intĂ©grĂ© au lexique des haines raciales.
Il est davantage le reflet dâune Ă©poque troublĂ©e, oĂč les tensions identitaires sâexpriment dans des mots qui cherchent encore leur place.
Pour ma part, je vois en « gwers » une invitation Ă rĂ©flĂ©chir : sur la maniĂšre dont le langage Ă©volue, sur les fractures quâil rĂ©vĂšle, et sur notre capacitĂ© collective Ă dĂ©passer les Ă©tiquettes pour retrouver un dialogue.
Ă 52 ans, je ne suis peut-ĂȘtre pas au fait de tous les codes, mais je sais une chose : les mots ne sont jamais innocents.
Ă nous de dĂ©cider ce quâils deviendront demain.