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La fois où j’ai sorti ma masse pour faire un câlin à un dealer de mon quartier…

MyLife Vie & Société
Temps de lecture : 5 minutes

Trafic de drogue sous ma fenêtre : quand ma cité HLM est devenue un narco-village…

De la ligne de pêche à la ligne de coke : ma vie au cœur du chaos

Imaginez un petit village de Provence, là où le sel de la mer caresse encore les narines, où les filets de pêche dansaient autrefois au rythme des vagues.
Maintenant, remplacez les poissons par des sachets plastiques, les marins par des dealers en capuches-casquettes et tongs l’été.
De 2019 à 2022, ma cité HLM, plantée au bord de l’eau, s’est métamorphosée en plaque tournante du trafic de drogue.

Ce coin paisible, où les anciens parlaient encore de sardines, est devenu un spot où la coke et le cannabis règnent en maîtres.
Et moi, coincé au rez-de-chaussée, j’avais une loge VIP sur ce cirque infernal.

Le ballet des 60 voitures

Sous ma fenêtre, un réseau s’est installé, bien huilé, comme une PME du crime.
Plus de 60 bagnoles par jour défilaient pour charger leur dose dans les garages juste derrière mon immeuble.

Un garage bricolait des réparations illégales tout en dealant de la cocaïne, un autre, plus loin, servait de QG pour le cannabis et le recel de motos volées.
Moi, gamin des cités depuis toujours (Poissy (78), Achères (78), les Minguettes à Vénissieux (69)), le trafic de drogue ne me choquait pas en soi.
J’ai grandi avec, c’est presque une vieille connaissance.

Mais là, ce qui me faisait bouillir, c’était le mépris total pour le silence.
Ces types n’avaient aucun respect pour le bruit, pour les voisins, pour moi qui essayais juste de fermer l’œil.

Du matin à 3h du mat : le vacarme des incivilités

Du lever du soleil jusqu’à 3 heures du matin – parfois plus –, c’était un festival de nuisances.
Des motos qui pétaradaient, des réunions de dealers sur les bancs sous ma fenêtre, des éclats de voix qui perçaient mes murs.
J’entendais tout : les deals, les rires, les engueulades.
Mes voisins appelaient les flics, désespérés, mais moi, je savais déjà le scénario.
La police ? 40 minutes pour débarquer, quand elle daignait se pointer.
Et à chaque fois, chou blanc. Les choufs, ces guetteurs malins postés aux coins stratégiques, donnaient l’alerte bien avant.
Résultat : les keufs repartaient bredouilles, et le trafic de drogue reprenait de plus belle.

70 % de visages familiers

Le pire, c’est que je connaissais presque tous ces gars.
Plus de 70 % des dealers, je les avais vus grandir, gamins insouciants devenus rois du bitume.
Ça rendait le truc encore plus amer.

Et puis, un été, après trois jours où je n’avais dormi que six heures – deux par nuit, bercé par le boucan des tongs et des moteurs –, j’ai pété un câble.

À 3 heures du mat, un de ces abrutis, un cador de la coco complètement torché, braillait sous ma fenêtre avec un autre jeune, un voisin que j’avais aussi vu pousser.
La rage m’a arraché du lit.

Lucille entre en scène

J’ai attrapé une masse de 3 kg, un truc que je gardais dans mon cagibi pour planter des piquets dans le jardinet sous ma fenêtre – un spot que ces enfoirés utilisaient comme planque dès que je fermais mes volets.
Furieux, je suis sorti derrière, prêt à éclater le crâne de ce type qui me pourrissait la vie. Le cerveau avait tilté…
Oui, c’est illégal, pas un exemple à suivre, mais quand t’es au bout du rouleau, que la loi te laisse crever, l’instinct prend le volant.
Et le mien, il cogne dur.

(PS : J’ai nommé ensuite cette masse « Lucille », clin d’œil à Negan de Walking Dead, parce qu’elle allait parler pour moi)

La nuit où j’ai failli tout casser

Ils squattaient une table et des bancs que j’avais fabriqués avec des potes il y a 30 ans, des poutres récupérées dans une ruine près de chez moi, dans une pampa.
Une vingtaine de dealers et racailles, dont certains que je n’avais jamais vus, étaient là.
J’ai hurlé son nom :

Mais tu vas la fermer ta gueule espèces de connard !

la masse levée, prêt à lui refaire le portrait.
Il a lâché un « Oh putain ! » paniqué, s’est pris la table en bois dans la fuite, puis un banc, avant de détaler comme un lapin.
Les autres ont tenté de me calmer, inventant une excuse bidon :

C’est des voleurs de voitures qu’on cherche, c’est pour ça le bordel.

Foutaises. Ce cinéma, je le vivais toutes les nuits d’été depuis deux ans – l’hiver, ils hibernaient, trop frileux pour leur business.

Le résultat, pas la méthode

Une voisine a crié qu’elle avait appelé les flics, pensant que j’essayais de faire retomber ma tension explosive.
La bande a déguerpi, je suis rentré avec Lucille.
Les keufs ? Jamais vus. Une semaine plus tard, la mairie a viré la table et les bancs.
Le trafic de drogue s’est déplacé, puis a fini par dégager loin de ma fenêtre quand ça a trop chauffé.

Moi, je suis du genre « peu importe la méthode, ce qui compte, c’est le résultat ».
Et le résultat, c’est que je dors enfin, grâce à Lucille et à ma petite crise de nerfs.
Ces types qui salissent leur propre terrain ont compris qu’ici, on ne rigole plus.

Et l’impensable le lendemain…

Et vous savez le comble de cette histoire tordue ?
Le lendemain, alors que je traînais ma poubelle dehors, les yeux encore explosés par ma nuit de guerre, un gamin, pote à la bande, que je connais depuis des lustres s’arrête devant moi.
Ce type, il pilote un camion pour ses fameuses « livraisons » – on sait tous ce qu’il trimballe là-dedans.

Il me balance, l’air de rien :

Romu ! Il paraît que tu as emmerdé les jeunes cette nuit ?

J’ai pas filtré, pas réfléchi, les mots sont sortis comme une rafale :

Oui, et n’importe quel connard de votre bande qui continuera à foutre ce bordel pour m’empêcher de dormir aura affaire à moi, encore une fois.

Et là, accrochez-vous.
Il me regarde, sérieux comme un pape, et me lâche :

Si tu continues de les empêcher de faire leur business, ils vont porter plainte contre toi.

J’ai cru que mes tympans avaient mal entendu. Des dealers, des mecs qui vendent leur poison sous mes fenêtres, qui pourrissent mes nuits et celles du quartier, envisager de porter plainte contre moi ?
Moi, le gars qui veut juste dormir et pas vivre dans une succursale de Medellín ?
C’est là, à cet instant précis, que j’ai capté : notre pays est foutu.
Le trafic de drogue, ce monstre tentaculaire, a tellement pris ses aises qu’il se croit légitime, au point de menacer un citoyen lambda d’un passage au tribunal pour avoir osé dire stop.

Je développais mon second jeux vidéo indépendant à l’époque avec la mamie pendant le Covid (GRANDMA BADASS)…cela m’a inspiré pour ajouter des scènes, ma masse, des caricatures de certains dealers et une orientation du jeu vers une aventure et enquête autour du grand banditisme.
Si jamais tu aimes les jeux point and click style des années 90, je t’invite au passage à découvrir ce jeu qui a été largement inspiré de ce que je vivais pendant cette époque…

Mais pour en revenir à cette histoire et la conclure : c’était il y a trois ans.
Et aujourd’hui, on déménage des écoles pour laisser le champ libre aux narcos, comme si c’était normal, comme si c’était eux les proprios du bitume.
J’avais déjà raison à l’époque : notre beau pays glisse doucement vers un état narcotique, où les voyous dictent leur loi et où les honnêtes gens n’ont plus qu’à serrer les dents – ou une masse, dans mon cas.

Lucille, elle, dort devant ma porte dans un coin, mais elle sait qu’elle peut ressortir anytime.
Parce que moi, je baisse pas les bras face à cette folie.


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