Et si peser les enfants à l’école devenait le nouveau thermomètre de nos échecs ?
Je vais vous parler d’un truc que je connais sur le bout des doigts, ou plutôt sur le bout de mes bourrelets.
Depuis mes 7 ans, dans les années 70, je suis ce qu’on appelle un « bouboule ».
J’ai grandi avec les moqueries, les regards en coin, et les « gentils » surnoms qui vous collent à la peau comme une étiquette de supermarché.
À l’époque, dans les années 80, être gros, c’était être le clown de service, celui qu’on choisit en dernier pour les équipes de foot, celui qui tient les sacs pendant que les copains roulent des galoches dans les boums, celui qu’on voit comme « le gentil ami qu’on ne touche pas ».
J’ai jamais rien fait pour être comme ça, si ce n’est être gourmand auprès d’une mère pour qui « mange, ça ira mieux » ou « c’est gros, c’est beau » étaient des mantras quotidiens.
Les visites médicales à l’école ? Je les redoutais comme la peste, persuadé que le toubib allait me déclarer « anormal » et me coller au régime.
Sauf qu’en vrai, dans les années 80, les petits gros, on s’en foutait.
On était même utiles : à l’EPS, on nous mettait dans les cages pour boucher les buts, histoire que le ballon passe pas.
Alors, quand j’entends que des députés veulent peser les élèves de CE2 pour lutter contre l’obésité infantile, je me dis que j’ai un avis à donner, un vrai, un vécu.
Et croyez-moi, ça sent pas bon.
Une balance pour sauver les enfants ?
On est le 21 mars 2025, et deux députés, Christophe Proença (PS) et Frédérique Meunier (LR), viennent de sortir une idée dans leur mission flash sur l’obésité infantile : peser tous les élèves de CE2 pour « mieux mesurer le surpoids et l’obésité ».
Ils veulent aussi booster les heures d’EPS et généraliser des tests physiques au collège.
Sur le papier, ça sonne bien, non ? L’obésité infantile, c’est un fléau, un tiers des gamins risquent d’être touchés d’ici 2050 selon The Lancet.
Mais creusons un peu : est-ce qu’on n’est pas en train de transformer les écoles en balances géantes au lieu de s’attaquer au vrai problème ?
Les chiffres qu’on a ? 17 % des 6-17 ans en surpoids, 4 % obèses, selon Santé publique France (2014-2016).
Et ça grimpe, surtout chez les enfants d’ouvriers, trois fois plus touchés que ceux des cadres.
Alors, oui, l’intention est louable : repérer tôt, prévenir, agir.
Sauf que… peser un gamin de 8 ans devant ses copains, ça vous dit quoi ?
Moi, ça me rappelle ces moments où l’école devient un ring de moqueries. « Une idée catastrophique », a lâché Elise Goldfarb sur RMC, et je suis tenté de lui donner raison.
Stigmatiser un enfant, c’est le meilleur moyen de le pousser à se cacher, pas à se bouger.
Le sport, oui, mais où sont les moyens ?
Les députés veulent aussi faire respecter les trois heures d’EPS en primaire et passer à quatre heures au collège.
Là, on applaudit : le sport, c’est la base pour lutter contre l’obésité infantile.
Sauf que, soyons sérieux, qui va payer ? Les profs d’EPS manquent, les infrastructures aussi.
Un rapport sénatorial de 2024 disait que seulement 42 % des écoles appliquent les 30 minutes d’activité physique quotidienne promises pour les JO de Paris.
Alors, quatre heures par semaine, c’est un joli rêve, mais sans budget, ça reste un slogan.
Et pendant ce temps, on pointe du doigt les gamins, comme si c’était leur faute s’ils passent leurs journées sur des écrans ou à bouffer des nuggets.
Et si on regardait ailleurs ?
Le vrai scandale, il est là : on préfère peser les enfants plutôt que de s’attaquer à la « malbouffe ».
Qui prépare les repas de ces mômes ? Des parents débordés, souvent, qui réchauffent des plats surgelés bourrés de sucre et de gras.
The Lancet parle d’une « épidémie mondiale » d’ici 2050, avec 360 millions d’ados obèses si rien ne change.
Mais au lieu de taxer les produits sucrés ou d’éduquer les familles, on met une balance dans les écoles.
C’est comme mettre un pansement sur une jambe cassée.
L’obésité infantile, c’est un problème systémique : inégalités sociales, manque d’éducation alimentaire, pub pour la junk food partout.
Peser les gamins, ça ne change rien à ça.
Au mieux, ça donne des chiffres. Au pire, ça brise des enfances.
Un miroir qu’on refuse de regarder
Alors, bonne idée ou pas ? Pour moi, c’est un non.
Cette mesure sent la solution facile, celle qui fait semblant d’agir sans toucher aux vrais responsables.
L’école devrait être un lieu d’apprentissage, pas un centre de contrôle.
Si on veut vraiment lutter contre l’obésité infantile, commençons par les cantines, les pubs, les inégalités.
Peser un enfant, c’est le voir comme un problème, pas comme un avenir.
Et ça, c’est peut-être le pire message qu’on puisse envoyer.
Moi, j’ai survécu aux moqueries, mais je serais pas là à écrire si on m’avait mis sur une balance à 8 ans devant toute la classe.
Alors, messieurs les députés, trouvez autre chose.