Viols de Mazan : les failles qui ont permis à Dominique Pelicot d’agir
Je vous propose d’explorer une affaire criminelle qui a choqué la France : les viols de Mazan orchestrés par Dominique Pelicot.
Condamné à 20 ans de prison, cet homme aurait pu être arrêté dès 2010, selon le journaliste Laurent Valdiguié.
Son livre Fétiche45 : les autres vies de Dominique Pelicot révèle des dysfonctionnements judiciaires majeurs.
Voici les faits essentiels.
Une décennie d’horreur à Mazan
Entre juillet 2011 et octobre 2020, Dominique Pelicot, 72 ans, drogue son épouse Gisèle à l’aide d’anxiolytiques puissants (Temesta et Stilnox) pour la violer et la livrer à 72 hommes, recrutés via le site coco.fr, dans leur maison à Mazan (Vaucluse).
Ces 92 viols, filmés et archivés dans un dossier nommé « ABUS » contenant 20 000 photos et vidéos, sont découverts en septembre 2020 après l’arrestation de Pelicot pour avoir filmé sous les jupes de femmes dans un supermarché à Carpentras.
Le procès, tenu à Avignon de septembre à décembre 2024, aboutit à la condamnation de 51 accusés, dont Pelicot, à des peines allant jusqu’à 20 ans de réclusion. Gisèle Pelicot, qui ignorait tout jusqu’à l’enquête, devient une figure féministe internationale, reconnue par la BBC parmi les 100 femmes marquantes de 2024.
Des ratés judiciaires en 2010
Dans Fétiche45, publié le 2 mai 2025, Laurent Valdiguié, grand reporter à Marianne, soutient que Pelicot aurait dû être arrêté dès 2010, évitant ainsi le calvaire de Gisèle.
En juillet 2010, Pelicot est interpellé en Seine-et-Marne pour avoir filmé sous les jupes de clientes dans un Carrefour.
Condamné à une amende de 100 euros, son ADN est prélevé et inscrit au Fichier national des empreintes génétiques (FNAEG).
Ce prélèvement révèle une correspondance avec une tentative de viol armée en 1999 à Villeparisis, où une goutte de sang trouvée sur la scène incrimine Pelicot.
Pourtant, aucune poursuite n’est engagée, un « raté vertigineux » selon Valdiguié. Ce n’est qu’en 2022, grâce à la juge Nathalie Turquey du pôle cold cases de Nanterre, que Pelicot est mis en examen pour cette affaire.

D’autres cold cases en question
L’enquête révèle également l’implication potentielle de Pelicot dans le viol et meurtre de Sophie Narme, 23 ans, en 1991 à Paris.
Une autopsie détecte du sperme, mais les écouvillons et autres scellés (ceinture et pull de la victime) sont égarés, empêchant une identification précoce.
Pelicot, mis en examen en 2022 pour ce crime, nie les faits. Valdiguié déplore la perte de ces preuves, estimant qu’il y a « 1,2 million de scellés » mal gérés. La juge Turquey note des similitudes entre les affaires de 1991 et 1999 : victimes agentes immobilières, usage d’éther, mode opératoire similaire.
Cinq autres affaires non élucidées entre 1994 et 2004 sont aussi examinées pour un lien avec Pelicot.
Une inspection ordonnée par Darmanin
Face à ces révélations, le ministre de la Justice Gérald Darmanin ordonne, le 30 avril 2025, une inspection de l’Inspection générale de la Justice (IGJ) pour établir pourquoi l’ADN de Pelicot, identifié en 2010, n’a pas conduit à son arrestation.
Prévue pour rendre ses conclusions d’ici le 31 juillet 2025, cette enquête vise à clarifier les dysfonctionnements au parquet de Meaux et dans la gestion des scellés.
Valdiguié, qui a partagé ses findings avec Darmanin, souligne l’ampleur des erreurs judiciaires ayant permis à Pelicot de poursuivre ses crimes.
Un prédateur insoupçonné
Pelicot, père et grand-père apparemment aimant, cachait une double vie. Diagnostiqué avec des paraphilies (voyeurisme, candaulisme, somnophilie) et un trouble de la personnalité antisociale, il manipulait son entourage.
Il convainc même Jean-Pierre Maréchal à droguer et violer sa propre épouse, entre 2015 et 2020, dans la Drôme.
Gisèle, victime de quatre infections sexuellement transmissibles et de risques vitaux liés à la soumission chimique, souffrait de symptômes inexpliqués, que Pelicot attribuait à l’épuisement.
Si vous avez un avis sur les dysfonctionnements judiciaires ou souhaitez partager une réflexion sur l’affaire Pelicot, laissez votre commentaire ci-dessous.
Crédits Photo : PHOTOPQR/LE DAUPHINE/MAXPPP