Quand les éoliennes tuent les oiseaux : EDF et Valeco face à la justice
On dirait un mauvais scénario de série écolo : des éoliennes, symboles de la transition énergétique, qui déciment des rapaces protégés dans l’Hérault.
Et pourtant, c’est bien réel.
En quelques jours, le tribunal de Montpellier a sorti les griffes, infligeant des amendes salées et ordonnant l’arrêt temporaire de dizaines d’éoliennes meurtrières.
EDF Renouvelables et Valeco, deux mastodontes de l’énergie verte, se retrouvent dans le viseur pour avoir laissé leurs machines faucher des faucons crécerellettes et un aigle royal.
Derrière ces condamnations, une question brûlante : peut-on verdir la planète en sacrifiant la biodiversité ?
Des éoliennes aux lames trop aiguisées
Lundi 7 avril, le couperet tombe pour EDF Renouvelables.
Sur le causse d’Aumelas, un plateau sauvage au nord-ouest de Montpellier, leurs éoliennes sont jugées responsables de la mort d’au moins 70 faucons crécerellettes, ces petits rapaces migrateurs classés vulnérables en France.
Résultat ?
Une amende collective de 5 millions d’euros, dont la moitié avec sursis, et six mois de prison avec sursis pour l’ex-PDG, Bruno Bensasson.
Deux jours plus tard, c’est au tour d’ERL, filiale de Valeco, de prendre une claque : 200 000 euros d’amende, moitié avec sursis, pour la mort d’un aigle royal en 2020, fauché par une pale à Bernagues, à 50 km de là.
Les deux géants annoncent faire appel, mais le message est clair : la justice ne plaisante plus avec les éoliennes meurtrières.
« On les avait prévenus qu’il y avait un risque »
Ces drames étaient-ils évitables ?
Absolument, clament les associations.
À Bernagues, on les avait alertés il y a dix ans sur le risque de collisions avec les aigles royaux qui nichent à proximité
lâche Simon Popy, président de France Nature Environnement Occitanie-Méditerranée, en première ligne dans ces affaires.
Même topo à Aumelas, où des carcasses de faucons s’entassaient déjà sous les éoliennes dès les premières années.
Pourtant, les machines ont continué de tourner, sans que les autorités n’imposent un arrêt définitif.
Le Conseil d’État a jugé en 2022 qu’il suffisait qu’un seul individu d’une espèce protégée soit à risque pour qu’un porteur de projet doive déposer une demande de dérogation
précise un avocat spécialisé en droit environnemental.
Une règle que les exploitants ont visiblement ignorée.
« Il faut voir chaque aigle royal comme une petite Joconde »
Chaque perte compte, martèle Cédric Marteau, de la Ligue pour la Protection des Oiseaux, impliquée dans le dossier Bernagues.
Il faut voir chaque aigle royal comme une petite Joconde
image-t-il, soulignant la fragilité de ces espèces qui peinent à se reproduire.
À Aumelas, les faucons crécerellettes, eux, tombent comme des mouches malgré les systèmes d’effarouchement installés.
Et que dire du projet éolien en mer de Dunkerque, prévu pile sur un couloir migratoire majeur ?
Vous aurez beau mettre tous les gadgets anti-collision, ça ne suffira jamais
prévient Marteau. La transition énergétique ne peut pas se faire au prix d’un carnage écologique.
Un vent mauvais pour la biodiversité
Simon Popy, lui, savoure ces victoires judiciaires, mais reste sur ses gardes.
Il appelle à un changement radical d’attitude des industriels, qui « méprisent trop souvent les alertes des ONG ».
Pire, il redoute un sabotage politique. La loi de Simplification de la vie économique, en débat à l’Assemblée, pourrait assouplir les dérogations pour détruire des espèces protégées au nom des énergies renouvelables.
Un comble, alors que la France s’apprête à transposer des directives européennes qui risquent d’affaiblir encore la protection de la faune.
Entre greenwashing et bétonnage, le combat pour sauver les rapaces ne fait que commencer.