Fantask : la météorite des comics français
Nous sommes en fĂ©vrier 1969 (je ne suis mĂȘme pas encore nĂ©) , la France dĂ©couvre les super-hĂ©ros Marvel avec des yeux Ă©carquillĂ©s.
Les Fantask, ces petits formats sortis tout droit des presses des éditions Lug, débarquent comme une tornade.
Les Quatre Fantastiques, Spider-Man, le Surfer dâArgent⊠des noms qui claquent, des couleurs qui pĂštent, une rĂ©volution dans un pays oĂč la BD, câĂ©tait encore souvent Spirou ou Tintin.
Mais sept numéros plus tard, pouf, rideau. Censuré, kaput, fini.
Alors, câĂ©tait quoi, ces Fantask ? Pourquoi ont-elles pris une claque aussi monumentale, et comment Strange a-t-il ramassĂ© les morceaux ?
Accrochez-vous, on plonge dans lâhistoire.
Fantask : le big bang des super-héros en France
Les Fantask, câest dâabord une idĂ©e folle de Marcel Navarro et Claude Vistel, les cerveaux derriĂšre Lug.
En 1968, Claude, la fille du cofondateur Alban Vistel, tombe sur les comics Marvel dans un bouquin, Les plus grands chefs-dâĆuvre de la BD.
Elle flaire le filon, contacte Marvel via Transworld Features, et bim, les droits sont dans la poche.
Février 1969, le numéro 1 sort : grand format, couleurs flashy, des héros bigger than life.
Les Fantask, câest la premiĂšre fois que les Français voient Spider-Man tisser sa toile ou le Surfer dâArgent planer sur sa planche cosmique.
Un choc culturel, un ovni dans le paysage. Mais ce vent de liberté va vite se prendre un mur.
La censure : le coup de massue
Sept numĂ©ros, câest tout ce que Fantask aura eu le temps de vivre.
Pourquoi ? La Commission de surveillance et de contrĂŽle des publications destinĂ©es Ă lâenfance et Ă lâadolescence, un nom Ă rallonge pour un bulldozer moral.
En août 1969, elle dégaine un avis assassin :
Cette publication est extrĂȘmement nocive en raison de sa science-fiction terrifiante, de ses combats traumatisants, de ses rĂ©cits au climat angoissant et assortis de dessins aux couleurs violentes. Lâensemble de ces visions cauchĂ©mardesques est nĂ©faste Ă la sensibilitĂ© juvĂ©nile.
Sérieux ? Des types en collants qui se tapent dessus, ça passe pas.
La loi de 1949 sur les publications jeunesse, nĂ©e aprĂšs la guerre pour âprotĂ©gerâ les mĂŽmes, frappe fort.
Fantask est interdit, les stocks invendus partent au pilon. Rideau.
Strange : le phénix qui renaßt des cendres
Mais Lug ne baisse pas les bras. ĂchaudĂ©s, ils reviennent en janvier 1970 avec Strange.
Exit le grand format et les couleurs criardes au dĂ©part â on passe au petit format, monochrome, vert ou rose selon les numĂ©ros.
Plus discret, moins provocâ.
Le numĂ©ro 1 de Strange balance du lourd : X-Men, Iron Man, Daredevil, Surfer dâArgent. Spider-Man arrive plus tard, au numĂ©ro 18, mais il deviendra la star.
Pourquoi ça marche ? Parce que Lug apprend à jouer avec la censure.
Ils autocensurent, lissent les angles, virent le sang, adoucissent les dialogues.
Strange devient le porte-Ă©tendard des comics Marvel en France, pendant que Fantask reste un souvenir amer, un rĂȘve avortĂ©.
Une legacy qui coûte cher
Aujourdâhui, les Fantask sont des reliques.
Sept numĂ©ros, une poignĂ©e dâexemplaires survivants, et une cote qui grimpe en flĂšche.
Un numĂ©ro 1 en bon Ă©tat ? Comptez entre 150 et 500 euros, voire plus si vous tombez sur un collectionneur prĂȘt Ă vendre un rein.
Strange, lui, a durĂ© 28 ans, 335 numĂ©ros, et a pavĂ© la voie Ă la hype Marvel quâon connaĂźt. Mais Fantask, câest le mythe originel, le martyr qui a pris les coups pour que les autres vivent.
Sans lui, pas de Strange, pas de Spider-Man dans nos kiosques.
Un sacrifice qui résonne encore.