Un dernier rôle vibrant pour une légende du cinéma
Le cinéma français vient d’accueillir ce mercredi 19 mars 2025, La Cache, un film réalisé par Lionel Baier qui résonne comme un hommage poignant à Michel Blanc, disparu en octobre 2024 à l’âge de 72 ans.
Ce long-métrage, adapté du roman autobiographique de Christophe Boltanski paru en 2015, place l’acteur au cœur d’une fresque familiale aussi singulière que bouleversante.
Dans ce rôle d’Étienne Boltanski, grand-père fantasque et marqué par un passé indicible, Michel Blanc livre une performance où la retenue et l’émotion brute se mêlent avec une finesse rare.
Un voyage dans le Paris de Mai 68
L’histoire nous transporte en mai 68, dans un appartement parisien de la rue de Grenelle où s’entasse une tribu hors norme.
Pendant que les parents de Christophe, alors âgé de 5 ans, s’immergent dans la révolte étudiante, le petit garçon est confié à ses grands-parents : Père-Grand, interprété par Michel Blanc, et Mère-Grand, campée par Dominique Raymond.
Entre ces murs, on vit en décalage avec le monde extérieur.
On discute art et politique, on partage des repas sur un lit commun, et l’hygiène passe au second plan.
« Dans un monde propre, il faut être sale », aime répéter Père-Grand, convaincu que les bactéries sont des alliées.
Les silences d’une famille hors du commun
Sous cette façade excentrique, La Cache dévoile des blessures profondes.
Mère-Grand, diminuée par la polio, refuse qu’on évoque son âge ou sa jambe boiteuse. Quant à Père-Grand, médecin juif converti au catholicisme dans les années 30, il porte en lui un secret écrasant : les vingt mois passés caché sous la salle de bains pendant la Seconde Guerre mondiale pour échapper à la déportation.
Ce refuge, surnommé « la cache », hante encore les mémoires, bien que personne n’ose l’évoquer.
Le souvenir de la Shoah, jamais nommé, imprègne pourtant chaque geste, chaque regard.
Une scène marque les esprits : Étienne, attablé dans un café, plonge sous la table à la vue de deux policiers. « Un réflexe conditionné par quelque chose qui lui échappe », explique Lionel Baier. Ses collègues médecins, témoins de la scène, restent muets, et c’est son fils qui le relève.
Ce moment illustre un traumatisme ancré dans le corps, une peur que le temps n’efface pas.
Michel Blanc, une présence magnétique
Dans cette adaptation, Michel Blanc ne disparaît pas d’emblée comme dans le livre.
Le cinéaste a choisi de le garder vivant, évitant de le réduire à une figure tragique.
Il est un homme simple, bon, mais rongé par une timidité et une peur viscérale
confie Baier.
Cette fragilité, l’acteur la porte avec une élégance naturelle, rappelant ses rôles iconiques, de Jean-Claude Dusse à Monsieur Hire. « Il avait cette capacité à rendre acceptable l’inacceptable, grâce à sa grâce », ajoute le réalisateur.
Un tournage empreint de cœur
Tourné dans une atmosphère décrite comme « très heureuse », La Cache a été le dernier plateau de Michel Blanc.
Il posait mille questions, cherchait la précision, et ça me rendait dingue de joie
se souvient Baier.
L’acteur, exigeant, voulait explorer de nouveaux territoires. Ici, il incarne un homme qui dissimule autant qu’il révèle, un écho à sa propre pudeur.
Le film se clôt sur une image tendre (je ne spolierai pas)
Un hommage qui résonne
La Cache n’est pas qu’un film sur la mémoire ou la famille.
C’est une célébration de Michel Blanc, un artiste qui traitait le cinéma comme une partition musicale, avec rigueur et passion.
Ce rôle, où il joue un homme hanté par son passé tout en feignant la légèreté, semble condenser les nuances de sa carrière.
Un ultime cadeau pour ses admirateurs.