Imaginez un instant : un chevreau, frĂȘle silhouette aux yeux curieux, gambadant dans votre jardin…
Pas nâimporte quel chevreau, non, mais un rescapĂ© dâune race en sursis, un de ces petits hĂ©ros rustiques quâune Ă©leveuse du Morbihan tente de sauver de lâombre froide de lâabattoir.
Ă Pluvigner, Elodie Desmas, bergĂšre dâun nouveau genre, tend la main Ă ceux qui ont de lâespace et un peu dâĂąme.
« Les frais dâadoption sâĂ©lĂšvent Ă 80 euros pour un mĂąle, 110 euros pour une femelle« , annonce-t-elle, comme une invitation Ă rejoindre une cause qui dĂ©passe la simple transaction.
Une quĂȘte Ă©thique au cĆur de la chĂšvrerie
Ălodie nâest pas quâune Ă©leveuse ; elle est une gardienne de mĂ©moire.
Avec ses 61 chĂšvres des fossĂ©s, elle porte un flambeau fragile : celui dâune race qui ne compte plus que 2000 Ăąmes en France.
Depuis 2022, elle Ă©lĂšve ses bĂȘtes sur paille, sous le regard tendre des mĂšres, refusant le destin brutal qui guette trop souvent les chevreaux.
« Câest un choix Ă©thique », confie-t-elle, un biberon Ă la main, tandis quâun petit tĂšte avec aviditĂ©.
Elle rĂȘve de lactation longue, une pratique qui apaise les cycles, rĂ©duit les naissances et lisse le lait sur lâannĂ©e â une harmonie entre lâanimal, lâhomme et la terre.
La chÚvre des fossés : un trésor à préserver
La chĂšvre des fossĂ©s, câest une survivante, une silhouette discrĂšte nĂ©e entre Loire et Seine, un vestige vivant des talus bretons.
Ălodie le sait : chaque adoption est un pas contre lâoubli.
On nâest plus quâĂ 2.000 chĂšvres des fossĂ©s en France, donc ça prend tout son sens de placer les chevreaux et de ne pas les envoyer Ă lâabattoir.
Son Ă©levage, petit par la taille, grand par lâambition, refuse la logique froide des chiffres. Ici, on ne sacrifie pas ; on sauve, on aime, on transmet.
Un compagnon rustique pour vos terres
Coquine, curieuse, docile, affectueuse : voilĂ le portrait que dresse Ălodie de ses protĂ©gĂ©es.
Des tondeuses vivantes, idéales pour qui possÚde un bout de friche ou un roncier à dompter.
Mille mÚtres carrés pour deux, une clÎture modeste, et le tour est joué.
Didier et Sandrine, un couple du FinistĂšre, lâont bien compris : « Nous sommes dĂ©jĂ propriĂ©taires de deux moutons dâOuessant », racontent-ils, venus adopter un duo de chevreaux.
Plaisir et utilitĂ© se mĂȘlent dans ce pacte avec la nature.
Lâadoption comme acte de cĆur
JusquâĂ fin avril, Ălodie offre une centaine de ces petits miracles, Ă biberonner ou dĂ©jĂ sevrĂ©s.
Certains partent tĂŽt, crĂ©ant des liens uniques avec leurs nouveaux maĂźtres ; dâautres restent, gorgĂ©s du lait maternel, pour la beautĂ© du geste et la santĂ© de la race.
En trois ans, 150 dâentre eux ont trouvĂ© refuge en Bretagne, preuve que lâĂ©lan dâune femme peut rĂ©veiller une rĂ©gion.
Adopter, câest plus quâun choix : câest une philosophie, une maniĂšre de dire non au gĂąchis et oui Ă la vie.