cadavre

La fois où j’ai découvert un cadavre à l’âge de 12 ans…

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Temps de lecture : 3 minutes

La fois où le destin m’a montré la mort à 12 ans, lors d’une simple balade bucolique à vélo entre copains…

Un été à Hyères, entre innocence et abîme

Les Jours d’or d’une enfance libre

C’était l’été 1984, une époque où le monde tournait sans le tic-tac frénétique des écrans.
À Hyères, chez ma grand-mère, les vacances s’étiraient comme une toile infinie, tissée de rires, de cabanes branlantes dans la pampa et de parties de pêche sur le port des Salins, avec des tripes de poissons offertes par le pêcheur du restaurant du Pothuau sur le port.

Les bateaux de bois dansaient encore sur l’eau, vestiges d’un temps qui s’efface doucement aujourd’hui.
Pas d’Internet, pas de smartphones – notre Call of Duty, c’était dehors, armés de bouts de bois taillés en fusils, lançant des grenades de fortune faites de débris ramassés au sol.
Je me souviens encore du jour où, dans l’élan d’un combat imaginaire, j’ai envoyé un éclat de porcelaine fendre le crâne de Christophe, mon frère d’armes d’alors, qui était passé de l’autre côté, chez l’ennemi…grand mal lui en a pris…😁
Le sang coulait, ses parents tempêtaient, et nous, on riait presque, fiers de nos blessures de guerre.
Des années plus tard, nos chemins se sont éloignés, refroidis par le silence et des embrouilles, mais ça, c’est une autre histoire.

Une balade qui bascula dans l’inconnu

Nos journées étaient rythmées par l’appel de l’extérieur.
À 12 ans, on explorait, vélos grinçants sous les pédales, dans un rayon raisonnable autour du village.
Quand l’aventure nous portait plus loin, Claude, cet ancien au cœur généreux, veillait sur nous comme un gardien bénévole, maître ès réparations de chambres à air.
Mais ce jour-là, pas de Claude. Juste une virée entre gamins, direction l’Ayguade, à deux kilomètres à peine.

On longeait la route, le petit canal glougloutant à nos côtés, face au stade de foot qui semblait éternel.
Et puis, mon regard s’est accroché à une anomalie : une bosse grise émergeait de l’eau, comme un rocher mal placé.
Sauf que non. Trente passages au moins sur ce chemin, et jamais ce roc n’avait été là.
Intrigué, j’ai stoppé mes camarades, leurs rires encore suspendus dans l’air.

Le face-à-Face avec l’indicible

On a posé les vélos, approché le bord, dubitatifs.
Un bâton à la main – réflexe primal d’enfant curieux – j’ai sondé la chose.
Ça n’a pas résisté. Le bois s’est enfoncé dans une matière molle, et là, sous nos yeux, un tissu à carreaux gris s’est dévoilé, trempé, lourd de mystère.
Mon cœur s’est serré : et si c’était… un corps ?

La panique nous a saisis, mais aussi une étrange fascination. On a hélé un automobiliste, un brun d’une trentaine d’années, qui a blêmi en posant les yeux sur notre trouvaille.
« Ne touchez rien », a-t-il soufflé avant de filer prévenir la police via un téléphone d’un des restaurants du village de l’Ayguade à quelques mètres de là – à l’époque, les portables n’existaient que dans les rêves futuristes.

L’instant où la réalité se dévoile

Il est revenu, et bientôt, la police a surgi.
Quinze minutes d’attente, une éternité pour nos âmes d’enfants suspendues entre peur et excitation.
Les agents, gantés, ont traversé la rive, extirpant l’objet de l’eau.

Et là, l’horreur s’est dessinée : un homme en costume gris, mains liées, un trou noir béant au sommet du crâne.
Nos regards se sont figés, traversés par une stupeur muette.
Je me souviens même mot pour mot ma réaction sur le moment : « On dirait qu’il s’est fait enfoncer une boule de pétanque dans la tête » tellement le trou était énorme et visible de loin…

Les policiers ont pris nos noms, nos projets de balade bucolique se sont évaporés.
Rentrer, raconter, digérer – voilà ce qui restait.

Une trace indélébile

Rien dans les journaux, comme si cet instant n’avait appartenu qu’à nous.
Quarante et un ans plus tard, en ce jour de mars 2025 où je couche ces mots, l’image persiste, gravée dans le marbre de ma mémoire.
Ce cadavre fut ma première rencontre avec la mort, un miroir brutal tendu à l’innocence.

On ne choisit pas les leçons que la vie impose, mais on apprend à les porter, comme un bagage philosophique, entre ombre et lumière.

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